Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Un an à Dakar
22 août 2014

Caen-Dakar

DSC_3206

Derniers jours caennais tout en contraste, en speed, en flou. Comme à lecture d'un bon livre, ce moment où on termine un tome : on a aimé ce que l'on vient de lire, on ralentit la lecture pour ne pas qu'elle se termine, on attend la sortie du prochain tome avec impatience, on espère retrouver ce que l'on a aimé dans le dernier, et être surpris par le prochain.

J'étais triste de quitter ceux que j'aime, j'aurai voulu les voir encore, je les emmène comme des bonnes étoiles. Quelques larmes et petites angoisses, stressée par le temps qui file et la liste de choses à faire dont on voudrait tout barrer en une journée, excitée et en suspens sur ce qui nous attend. J'ai laissé la maison si agréable où nous vivions depuis quelques années, pour vivre autre chose. Je pars avec des moments inoubliables dans les yeux, la tête, le cœur : des fêtes avec mes amis, tous les mots et les encouragements que l'on m'a offerts, des instants comme des rêves sur les sentiers des criques bretonnes et des bords de l'Orne, et de quotidien partagé... que je retrouverai après. Prête pour écrire un nouveau tome de notre histoire, quelle qu'en soit la durée, la tournure.

Caen-Paris. Nous avons filé en taxi navette sur l'autoroute, sous une pluie fine et grise, bordée de talus identiques et d'enfilades de hangars blancs gris, chacun avec son logo en couleur, toutes ces marques bien identifiées par notre cerveau qui les associe instantanément aux pubs et vitrines connues, de Caen, Paris, St Lô, Marseille, Rome, Flins, Berlin, Amsterdam ou Malaga. Partout, un monde uniforme. De cela, je vais faire un break. Les prochains panneaux publicitaires seront engloutis dans un autre univers, à part Orange et les sigles des banques, ils seront autres, et vus autrement. Mais même en Afrique, connectée au net comme je le serai, les multinationales tenteront encore de draguer mes pensées et d'attacher mon identité à mes capacités de dépensière.

En route pour Dakar, j'échafaude mes plans, pense à mes projets, « priorise », somnole et rêve.

Le vol Royal Air Maroc sent déjà bon les terres du Sud, raï à tue tête dès la montée dans l'avion, poulet façon tajine et escale à Casa. Adja voudrait visiter, elle s'exclame devant les palmiers de l'aéroport et la chaleur à 19h. Un jour sûrement, nous viendrons en vacances au Maroc.Je discute en wolof, français et avec les mains, avec une jeune libanaise, son joli bébé collé à son ventre, je devine qu'elle est commerçante à Dakar. Je prends quelques photos des aéroports, ces espaces hors sols internationaux impersonnels où se croise tant de personnes, d'histoires.

Aujourd'hui, les douaniers ont eu envie de me parler. A Paris, le brigadier-chef me raconte son voyage en bateau à 10 ans, le long des côtes africaines du temps des colonies en 58, ses récents voyages en Russie, en Pologne. Sa nostalgie ne me touche pas, mais je ne vais pas polémiquer maintenant... A Dakar, celui qui se charge des visas, blague et rit, il me questionne sur ma vie, en wolof, intrigué mais satisfait par ma venue au Sénégal et mon séjour dans mon ex belle-famille, et ma fille qui doit apprendre à parler wolof, elle aussi.

Par miracle, nous récupérons rapidement nos 4 valises. Il est presque 1h du matin. Direction la maison avec un des cousins d'Adja, en 4x4, sur les voies rapides de Dakar by night. Les petites lumières des boutiques, des quelques lampadaires et les faibles phares des taxis défilent.  Mame, la grand mère, est là pour nous accueillir. Adja est épuisée, nous nous endormons bercées par les palmes du petit ventilateur.

Nous retrouvons la famille au réveil, chacun vaquant à ses occupations, préparation des petits déjeuners, sur le départ pour leurs boutiques au marché. Les petits se lèvent un à un, encore endormis, ils s'allongent sur les canapés de la pièce de vie centrale : l'entrée. Au menu du Ndéki, le petit-déjeuner, des sandwiches avec une préparation au thon, tomates, oignons, bien pimentée (qu'Adja adore déjà,) ou du pain beurré ou à la pâte à tartiner sénégalaise au chocolat et arachides. D'autres se rassasient de lait caillé chaud et sucré avec du mil.

Pour le déjeuner, « ci Aigne bi », le premier Thiep bou djen bou wer, le 1er, le meilleur après 3 mois d'abstinence, celui ci est à base de riz blanc (bou wer) avec des poissons et des légumes, accompagné d'une pâte pimentée et d'une sauce aux feuilles de bissap vert.

A l'heure de la sieste, les bruits de la maison familiale dakaroise m'envahissent. Les couinements de la pompe à eau, les enfants qui rient, crient et se chamaillent, en wolof, les voix des femmes de la maison, les bruits de leur travail, celui sourd du pilon, celui du fer à repasser que l'on referme après y avoir déposé des braises, les bassines en plastique que l'on pose, les couverts qui tintent, l'appel du muezzin, puis un fond de mbalax au loin, le mouton sur le toit terrasse qui bêle (les enfants l'ont baptisé « Bêleur 2000 » car on l'entend même la nuit), les portes qui claquent, la sonnette de la maison à chaque passage de vendeurs de balais ou de poissons.

Aujourd'hui, Adja et ses cousins et cousines, jouent sur la terrasse, fabriquent des bracelets, dessinent, font de la couture et achèvent la journée par des tranches de mangue en dessert. Demain nous irons nous baigner, et profiteront des derniers jours de vacances au Sénégal.

Il fait chaud et humide, nos corps se perlent constamment. Il n'a presque pas plu, en ce 21 août ; ici, on attend la pluie, pour laver la ville, pour la nature, pour les nappes phréatiques, au risque d'inonder... Il y a toujours aussi peu d'eau dans les robinets, et en début de soirée, une coupure d'électricité, juste une heure.

Je laisse s'écouler cette journée, au son des enfants, dans la chaleur moite. Du balcon, je regarde les enfants jouer au foot. Je vais à la boutique avec une des petites de la maison ; je suis sur mon ordi, je retrouve mon quotidien d'ici, avant de mettre en action mes projets, j'atterris.

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Au top..! Je suis ça de prêt 😁 à très vite!! Bisou à Beleur 2000
M
Yes !! I remember the Yogi tea !! and that so true! courage à vous aussi les frangincopine chéris pour la rentrée et merci :-)
N
Geniaux tes textes Maud ! Merci pour ce voyage, et: "courage is a special kind of knowledge" you remember ? , bon atterissage..Bonnes fin de vacances à vous Nouara
Publicité
Archives
Un an à Dakar
Publicité